Susan Sontag, sortant des questions féministes, se mêle de pornographie et de science-fiction. Selon elle, dans la SF comme dans la porno, on retrouverait un même rapport au temps et à l’espace, les mêmes « paysages anhistoriques et oniriques » et « actions figées dans le temps » (« The ahistorical dreamlike landscape where action is situated, the peculiarly congealed time in which acts are performed—these occur almost as often in science fiction as they do in pornography » : « The Pornographic Imagination », dans Styles of Radical Will, p. 46). Sauf son respect, c’est peut-être une grande auteure féministe, et je réserve mon jugement à propos de la porno, mais elle ne sait pas de quoi elle parle quand elle parle de science-fiction.
Je ne comprends pas comment elle peut décrire l’espace de science-fiction comme un espace hors de l’histoire et relevant du rêve alors que j’ai l’impression que c’est tout le contraire. Les histoires de science-fiction, me semble-t-il, sont extrêmement ancrées dans le temps et dans l’espace, parfois jusqu’à l’excès. Quand on lit les descriptions dans certains romans, on se dit que Balzac n’a qu’à aller se rhabiller avec ses descriptions de tentures faisant des pages entières.
Je pense que Sontag a peut-être lu juste quelques romans de space opera (à la Star Wars, disons) où là, c’est vrai, on se soucie peu de l’échelle du temps. Mais sinon, mon expérience de lectrice me laisse penser que, dès premiers temps, il a été important dans les histoires de SF, de situer l’action par rapport à un passé et à un futur. J’ai le sentiment que c’est même là tout l’enjeu : comprendre comment on peut passer d’ici à là, ou comment ou aurait pu passer d’un ici à un ici alternatif si l’histoire s’était déroulée différemment. Il me semble que c’est de l’hyperhistoire plutôt que de l’anhistoire!